Mouvement et émotion

Mouvements d’humeur

Le mouvement et l’émotion ont la même racine étymologique. Notamment parce que nos émotions sont de véritables forces dynamiques intérieures. Une émotion naît d’un premier mouvement et en crée un second. C’est quand on se « cogne au réel » que survient l’émotion. Elle émerge toujours d’une rencontre avec l’autre, avec le monde, avec de nouvelles perceptions. On la ressent alors comme une invitation à réagir, à bouger au sens propre comme au sens figuré.
Chaque émotion suggère un positionnement intérieur différent. Notre corps et notre cerveau l’éprouvent profondément. Certains émois nous propulsent vers le haut : la joie nous redresse. D’autres, comme la tristesse, nous affaissent… Parfois nous ressentons l’envie d’avancer pour rejoindre, embrasser ce qui vient à nous, ou à l’inverse, nous sommes en proie à un réflexe de recul. Nos états d’âme passent d’abord par le corps et chacun nous situent à leurs manières face au monde, face aux autres.
En ce sens, la logique des émotions obéit au final à une logique relationnelle. Certains travaux (1) interprètent notre vie émotionnelle comme la combinaison de deux forces en mouvement, l’une horizontale, l’autre verticale. Horizontalement, une émotion va nous situer plus ou moins proches de ce qui nous arrive, plus ou moins ouverts aussi. (La tristesse par exemple aura à voir avec la perte et donc l’éloignement.) Sur un plan vertical, l’émotion se nuance selon qu’on surplombe une situation (la tête haute de la fierté) ou qu’on se sent écrasée par elle (les épaules basses de la honte). Nos émotions nous situent face à l’extérieur.
Ces mouvements d’humeur s’expriment le plus souvent d’une façon subtile et fugace parce que nous avons appris à contenir, à moduler, à médiatiser ce que nous ressentons. Passé un certain âge, a priori, on ne se roule plus par terre, on ne recrache pas ce qui nous déplaît et on ne saute pas littéralement de joie. Pourtant, le mouvement, le positionnement intérieur, subsiste et va se lire sur notre visage.
À bien y regarder, c’est d’ailleurs selon le même diagramme (haut / bas, avant / arrière) que les émotions animent nos expressions… Nos regards s’ouvrent et s’écarquillent, notre bouche dégoûtée se ferme et recule, nos sourcils étonnés se lèvent, les commissures de nos lèvres tristes se baissent. Nos traits révèlent nos impulsions intérieures.
Certaines expressions du visage sont de l’ordre de l’instinct et sont reconnaissables universellement quelles que soient les cultures. On distingue à travers elle les sept émotions primaires : la joie, la peur, la colère, la surprise, la tristesse, le dégoût et le mépris. Nous pouvons tous présenter ces mimiques. Ce sont de véritables réflexes émotionnels mais le plus souvent, ils s’estompent vite car nous composons rapidement un autre visage qui correspondra mieux à notre « masque social ».
Par exemple, même si nous ressentons de la colère, nous pouvons avoir pris l’habitude de l’exprimer sous forme de tristesse si ce sentiment, moins agressif, est plus acceptable pour notre environnement. Pourtant, notre visage aura marqué un bref instant l’émotion de colère ressentie tout d’abord. Cette première émotion, vécue mais non pleinement exprimée, sera stockée dans notre mémoire, comme un mouvement bloqué, une énergie stagnante. Elle sera refoulée, certes, mais semblera toujours vive si on la stimule. Elle passera alors comme une ombre sur le masque que l’on porte quand on fait bonne figure.
Elle signalera ainsi qu’il subsiste là un non-dit, quelque chose à écouter, à prendre en compte. Qui saura la voir ? Le plus souvent, on n’est même pas conscient d’avoir enfoui ce ressenti. C’est d’ailleurs pour cela que, quand on veut changer quelque chose en soi, on ne sait pas toujours là où ça coince et ce qui ne va pas. Heureusement, notre mémoire émotionnelle ne s’oublie pas. Elle se devine.
Voilà d’ailleurs une vraie raison pour choisir de se faire accompagner en face à face en hypnothérapie. Pour le thérapeute, une émotion réactionnelle dissonante signalera une porte à franchir qui mènera bien souvent, vers ce « quelque chose » problématique qui nous a conduit ici, sur le fauteuil à côté de lui… « Tout va bien, vraiment ? Mais pourtant, là, juste là, ce haussement de sourcils c’était quoi ? »
Parce que en hypnose, bien sûr, une voix nous accompagne… Mais un regard aussi.

Mémoire des émotions

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Un article qui fait suite à la formation «Analyse du comportement» de l’Association #Lesfilsdapollon par Jérémy Nouen
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(1) Notamment les travaux de l’historien des mentalités, Albert Assaraf, qui, au travers de son système jonction/position classifie les émotions en faisant dialoguer la logique relationnelle de Gregory Bateson (le fondateur de l’école de Palo Alto ) avec les conclusions du professeur en Neurosciences Antonio Damasio.